Et donc maintenant, les mémoires de Barclay de Tolly, écossais d'origine...
COMPTE RENDU du General-Leutnant Oestermann
Commandant les IVème corps d’infanterie et IIème corps de cavalerie
7 septembre 1812 à 18h00
A Son Excellence le Général Koutouzov
Votre Excellence,
Suite à la blessure du Général Barclay de Tolly, je prends la liberté de vous adresser directement mon comte-rendu.
Mes ordres initiaux étaient d’envoyer le IIème corps de cavalerie soutenir celui du Général Sievers à gauche de la grande batterie et d’amener le IVème corps d’infanterie en soutien du général Dokhtourov.
Si la cavalerie a agi conformément aux ordres, il n’en a pas été de même pour l’infanterie. En effet, suite à une discussion entre le Général Barclay de Tolly et le Général Baggovouth, je dus laisser une division au pont de Sacharino et au gué situé à l’ouest de ce village. Les troupes à Sacharino ne purent être relevées par celles du Général Baggovouth qu’à 10h00 , mais ce temps ne fut pas perdu, car employé à tenir en respect le corps italien au grand complet. En ce qui concerne le gué, je dus en confier la garde aux 2 brigades de milice arrivées à ce moment là, car le Général Baggovouth n’y envoya aucune troupe. Ces troupes de milice remplirent d’ailleurs admirablement leur rôle en effectuant une attaque audacieuse sur la grande batterie ennemie mitraillant les troupes de Dokhtourov ; même si non victorieuse, cette manœuvre eut le mérite de faire reculer les troupes ennemies, permettant ainsi au général Dokhtourov de reprendre temporairement Borodino.
Entre temps, la cavalerie était arrivée juste à temps pour soutenir celle de Sievers engagée contre toute la grosse cavalerie ennemie, et la division du Général Bakhmateiev III put appuyer la défense du Général Rajevski attaqué, lui, par le corps de Davout.
Et là, une chose incroyable se passa. Autant du côté de Borodino, nos canons infligèrent visiblement des pertes à l’ennemi ; autant dans ce secteur, l’ennemi semblait invulnérable.
Notre artillerie tirait sans discontinuer sans, apparemment, aucun résultat. J’allai personnellement vérifier que les boulets étaient bien introduits dans les canons, puis je dirigeai ma longue vue sur les points d’impact. Les boulets soulevaient bien des gerbes de terre, mais aucun français ne tombait ! En revanche, les boulets français semblaient dotés de têtes chercheuses et effectuaient des ravages dans nos rangs. Je dois d’ailleurs signaler à Votre Excellence le comportement admirable, non seulement de mes troupes, mais aussi de celles du Général Rajevski, qui ne durent qu’à ces coups du sort répétés d’être finalement chassés de la grande redoute au bout de plusieurs heures d’un combat acharné.
Voyant celà , le Général Barclay de Tolly, fou de rage, se mit à la tête de la brigade de uhlans Panshulitzhev et fondit sur une division de cuirassiers ennemis. Hélas, le combat lui fut défavorable et il se trouve actuellement aux mains des chirurgiens. Cependant, ce fait d’armes parut faire réfléchir l’ennemi qui marqua un temps d’arrêt, ce qui nous permit de rétablir un semblant de front.
Survint alors votre ordre de repli, manœuvre que nous pûmes exécuter sans interférence de la part de l’ennemi. Lé détail des pertes de mes troupes suit.
Veuillez agréer, Votre Excellence, l’assurance de mon respect le plus absolu.
General-Leutnant Oestermann